Hum, j’entends déjà grincer des dents. Et pourquoi remettre en cause le management bienveillant ? Serait-ce réservé à une élite ? Tout le monde a droit sa dose de bienveillance !
Oui, certes, j’entends tout ceci. Mais…
Reprenons depuis le début. Manager dans la bienveillance, c’est s’abstenir de juger, c’est porter un regard posé et objectif sur les membres de son équipe ; c’est être poli, patient, intéressé, ouvert à l’autre ; c’est adopter une attitude positive, offrir la possibilité aux membres de son équipe de prendre des responsabilités et de développer son potentiel.
Deux conditions cumulatives néanmoins pour que cela fonctionne : d’abord que la structure soit organisée pour, c’est à dire qu’elle ait intégré le concept de management bienveillant en son sein. Ensuite, que la maturité professionnelle des collaborateurs soit suffisante.
Oui parce qu’il ne faut pas rêver, le manager directif trouve aussi son public auprès de collaborateurs peu motivés et peu investis professionnellement.
C’est encore de la faute du manager, allez-vous me dire ! Il n’a qu’à motiver les troupes !
bien sûr, mais il y aussi des moments où le manager est impuissant à trouver le levier qui motive. Prétendre le contraire, c’est enlever tout libre-arbitre aux personnes qui travaillent avec lui et qui vont décider ou non, de jouer le jeu. Car pour plusieurs raisons, certaines d’entres elles n’investissent pas la sphère professionnelle de manière optimale.
Raison familiale : la famille s’agrandit et honnêtement ce qui compte ce sont mes enfants. Ok
Raisons personnelle : ma femme me quitte ; j’ai perdu mes parents ; je pense à une reconversion ; ce boulot, je le fais depuis trop longtemps ; qu’est-ce que je serai bien au bord de la mer ; ma vraie passion c’est la danse et j’y consacre toute mon énergie. OK
Raison idéologique : au prix où ils me payent faudrait voir que je travaille plus que ça tiens…! Encore OK.
Tout sera toujours OK de toutes façons. La bienveillance c’est aussi accepter que certaines personnes ne jouent pas le jeu et se contrefichent des efforts que leur manager pourra faire pour les rendre, plus responsables, « responsifs » ou épanouis. Leur bonheur est ailleurs. Point.
Ceux là se contenteront d’un management un peu directif. Ça leur suffit bien, merci.
C’est le principe même du management situationnel : on s’adapte aux membres de son équipe et on ne réagit différemment selon que l’on s’adresse au junior des affaires juridiques ou au vieux briscard des services techniques. Les D(G)ST me comprendront.
Ensuite, je le disais, il faut que la structure ait engrammé en son for intérieur cette « bienveillance ».
C’est à dire que les personnes qui travaillent ne soient plus considérer comme des « ressources humaines » -conception utilitariste- ou même du personnel -conception paternaliste- mais a minima, des équipiers, les membres de la même équipe.
C’est à dire aussi qu’il y ait prosaïquement une part non négligeable du budget de fonctionnement qui soit officiellement destiné à ce management bienveillant.
Je cite dans le désordre : plan de formation soigné et préoccupé du développement des compétences et non uniquement des nécessités de court-terme des services ; transparence de l’information et de la prise de décision à tous niveaux hiérarchiques ; financement de l’ergonomie et de l’environnement des bureaux et postes de travail ; politique de rémunération et de prime respectueux du travail effectué et à effectuer ; autonomie des individus dans le pilotage de projets ; droit à l’erreur ; droit à l’expérimentation ; collectif soudé et moyens octroyés pour souder le collectif… La liste est longue.
Tout ceci a un coût. Tout ceci s’apprend. Et en l’occurence le manager public aura absolument besoin du politique pour que n’émerge cette culture managériale « humaniste ». Car seul, on ne manage pas de manière bienveillante. Il faudra d’abord contraindre la structure, l’éduquer au « care » ou quelque soit le terme que l’on donne au management qui tient compte des autres dans leur réalité et plénitude.
Et ceci est un travail de longue haleine.
Rémy Canuti
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